La question peut être formulée comme une interrogation sur ce qui fait qu’une personne ou une entité a du succès avec ses clients. Fait-elle preuve d’une posture particulière – individuellement ou collectivement – ou bien a-t-elle mis au centre de ses préoccupations des politiques, des stratégiques orientées clients ?
La réponse de prime abord paraît être « les deux évidemment ». Imaginez un instant un hôtel dont la politique, traduite en une série d’actions concrètes, n’aurait pas pour objectif de satisfaire le client. Il lui serait probablement impossible de mettre le client au centre de ses préoccupations et, par une série de choix quotidiens, le personnel se détournerait du client et de sa satisfaction.
Prenons un autre exemple : une société spécialisée dans le transport de colis et la logistique peut mettre en place une politique, une stratégie, orientée client. C’est le cas du suivi de colis. Conscients du bénéfice que cela représente pour les clients d’être informés en temps réel afin d’anticiper les horaires de livraison de manière précise, les premiers à avoir mis en place une politique de suivi des colis en ligne ont bénéficié d’un avantage comparatif, rapidement perdu toutefois compte-tenu de l’aspect innovant et hyperconcurrentiel du secteur. Cet avantage comparatif a également bénéficié aux premiers à avoir mis en place ce même service pour le commerce électronique. Pourtant, ce service pourrait se révéler sans effet sur les clients s’il est mal conçu, peu accessible, peu fiable. Pour satisfaire son client, il faut écouter ses attentes et les traduire en offre, c’est là qu’intervient la posture client. Les 3 volets de la posture client sont connus : écoute des attentes, décryptage des besoins sous-jacents et reformulation sous forme d’offre.
Est-ce pour autant, l’histoire de la poule et de l’œuf ? Faut-il une posture client pour mettre en place une politique client, et vice-versa, une politique client pour que les postures clients servent à quelque chose ?
Imaginons un manager d’une chaîne d’hôtels qui dit à ses équipes « l’objectif est de rentabiliser les salles de réunions qui ne sont pas assez occupées ». Fait-il de la politique client ? Ou bien « les objectifs en termes d’économies d’énergie nous amènent à nous assurer que les clients ne prennent que des douches et pas des bains, de limiter l’usage des serviettes, de restreindre les points d’éclairage », met-il le client au centre de sa politique ? Pourtant, c’est typiquement le genre d’objectif, très orientés chiffres, qui sont fixés dans le monde de l’hôtellerie. Dans ce monde, il n’y a pas à avoir de politique client, parce que le client est tout le temps au cœur des préoccupations des personnels et de l’ADN des entreprises, en tout cas traditionnellement.
C’est pourquoi, il est préférable de ne pas penser, lorsque l’on souhaite orienter son organisation vers le client qu’on doit d’abord mettre en place une politique client. Le premier pas, le plus important et le plus utile, est d’instiller dans l’organisation une culture client. Et cela commence par acquérir la posture client.
La posture client s’acquiert et qui dit « acquisition de compétence » dit « formation ». Le raisonnement est exact mais il est incomplet. Avant même d’acquérir les techniques de la posture client, il est nécessaire d’en acquérir l’état d’esprit.
La posture client est typiquement ce que l’on appelle un « soft skill », c’est-à-dire une combinaison de capacités comportementales, communicationnelles et sociales. Ces capacités sont à l’origine encodées dans les valeurs implicites du groupe social auquel on appartient. Ainsi à l’échelle des nations, peut-on observer des pays dont les populations semblent profondément orientées clients et d’autres moins. Le pays qui vient à l’esprit lorsque l’on parle d’orientation client est le Japon. Il faut avoir pris le train au Japon, avoir fait un séjour dans un hôtel traditionnel japonais ou encore envoyé ou reçu un colis avec une société de livraison japonaise pour comprendre le sens de l’expression « le client est roi ». Dans leur organisation, les entreprises japonaises ont effectivement mis en place des stratégies de satisfaction du client, mais la réalité brute est que, même en absence de toute stratégie, un Japonais mettra toujours l’intérêt du client et sa satisfaction avant toute autre priorité, y compris personnelle ou familiale. Il y a donc au Japon un contexte implicite socio-culturel favorable à la posture client.
Dans nos sociétés européennes, le contexte implicite socio-culturel est moins favorable à la posture client. Par exemple, un employé japonais à qui un client demande quelque chose qui n’est pas de son ressort mais qui rentre bien dans le domaine de compétence de son entreprise ne pensera jamais que « ça n’est pas moi qui m’en occupe » est une réponse envisageable au client. En fait, cela ne lui traverse pas l’esprit. Il n’a pas acquis cette capacité par une action de formation de son entreprise mais dans le contexte implicite de la société civile japonaise. Évidemment, en Europe, il en va tout autrement. Pour qu’un salarié réponde au client « je m’en occupe et vous recontacte », il faut qu’il acquiert les compétences nécessaires… ou mieux qu’il change son état d’esprit.
La posture client est en fait avant tout un état d’esprit. Comment l’acquérir ?
L’étude des comportements et le travail sur le changement des comportements apporte une réponse. Nos comportements usuels se fondent sur la manière dont notre cerveau filtre l’information qui lui provient de l’extérieur en la sélectionnant en fonction de nos préférences et centres d’intérêts entre autres, puis en l’interprétant à l’aune de nos expériences, de nos croyances et de nos valeurs, et enfin à la modifiant (lecture de pensée, relations de causalité ou encore présuppositions) avant de répondre aux sollicitations de l’information extérieure, précisément, par des comportements. La PNL (programmation neurolinguistique) en s’appuyant sur les travaux de psychologues et thérapeutes du XXème siècle tels que Carl Jung, Fritz Perls, Virginia Satir et Milton Erickson, a nommé ces processus répétés quotidiennement des milliers de fois par notre cerveau « métaprogrammes » car ils sont de nature automatisée tout en étant plus profonds (méta) que les comportements qu’ils suscitent.
Les métaprogrammes sont souvent présentés en paires opposées : par exemple « aller vers – éviter ». Effectivement, ils décrivent une préférence comportementale (aller vers quelque chose ou quelqu’un plutôt qu’éviter) qui peut se révéler adaptée ou inadaptée en fonction du contexte. Par exemple, aller vers les gens est adapté pour exercer une fonction commerciale, éviter les accidents est essentiel pour un sapeur-pompier.
On observe que la combinaison de 4 paires de métaprogrammes renforce ou au contraire affaiblit la posture client, en tout cas dans la plupart des contextes professionnels en Europe :
éviter vs aller vers
s’orienter problème vs s’orienter solution
réagir vs agir
s’orienter processus vs s’orienter résultats
Voyons-les l’une après l’autre.
La paire « éviter vs aller vers », ainsi que nous l’avons vu, décrit une préférence pour l’évitement ou la confrontation. Dans le vocabulaire de ceux qui ont une préférence pour l’évitement, « confrontation » signifie « conflit potentiel ». Pourtant, « se confronter aux autres » ne signifie pas « entrer en conflit avec les autres » pour ceux qui recherchent le contact des autres. De même « aller vers un problème » se révèle très utile dans une posture client, puisque cette confrontation avec sa réalité à lui est en général ce qu’il attend de vous quand il fait face à un problème. On voit bien ici en quoi « aller vers » est préférable à « éviter » lorsqu’on recherche une posture client.
De même, s’orienter vers une solution plutôt que vers un problème est utile pour adopter une posture client. Cela n’est en rien contradictoire avec la paire précédente. Si le client a un problème et que vous y êtes liés (ne serait-ce que par votre appartenance à l’organisation qu’il perçoit comme à l’origine du problème), le confronter est une première étape. S’orienter vers la solution, c’est s’assurer que le client vous perçoit comme une partie intégrante de la résolution du problème. L’on percevra que quelqu’un est orienté solution à ses tournures de phrases affirmatives, à ses modalités verbales inclusives (je vais faire, nous allons vous répondre) et son positivisme à la fois dans son attitude et son expression.
La paire « réagir vs agir » met également l’action au cœur de la posture client. Prenons le cas du service après-vente des magasins d’électroménager, bien connu pour irriter les consommateurs mécontents du dysfonctionnement de leur appareils. À l’évidence, en plus de se confronter au problème et d’apporter des solutions, vous attendrez d’un bon SAV qu’il conduise l’action, qu’il vous déleste du problème en quelque sorte pour le faire sien. Dans le domaine du B2B, les meilleures entreprises de l’électronique professionnelle ont même mis en place du SAV par anticipation, ce qui revient à signer des contrats de maintenance pour que le problème n’arrive pas. On voit bien que l’action, par anticipation dans sa forme la plus orientée vers la satisfaction du client, est préférable à la réaction pour avoir une posture client. Et pourtant…
La quatrième paire oppose « processus vs résultats ». C’est bien l’orientation vers le résultat plutôt que le processus qui compte pour acquérir la posture client. Imaginons un instant que le manager de l’hôtel pris en exemple au début mette en place un processus pour arrêter la fuite d’une chasse d’eau dans la chambre d’un client, mais que pour une raison quelconque un des éléments dans ce processus grippe le reste du processus, par exemple un personnel manquant ou d’autres urgences. Il est é
vident que seul le résultat compte et que pour satisfaire le client, il faudra s’adapter aux circonstances – en l’occurrence exceptionnelles. C’est d’ailleurs en comprenant l’importance de cette attitude orientée résultats qu’on comprend que mettre en place une politique client avant d’avoir acquis l’état d’esprit de la posture client revient à mettre la charrue avant les bœufs ou encore les moyens avant les fins.
La mauvaise nouvelle est donc que l’orientation client d’une organisation ne commence ni par la mise en place d’une politique client ni par la mise en place d’actions de formation aux soft skills, mais par l’acquisition d’un état d’esprit et son instillation auprès des acteurs de l’organisation. C’est donc bien par le haut que cela réussit. La bonne nouvelle est que les comportements adaptés à la satisfaction du client s’identifient et s’acquièrent facilement. À cette fin, il est utile de savoir que les comportements – et les métaprogrammes eux-mêmes – ne sont pas définitivement acquis et qu’ils peuvent être modifiés. L’orientation résultats, comme l’orientation solution et la préférence pour l’action peuvent se développer, dans un contexte professionnel par exemple, notamment par des formes d’accompagnement personnel comme le coaching.
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